Wednesday, April 21, 2010

Aide mémoire pour les pervertis cinglés : « J'accuse Lucien Bouchard! »

« J'accuse Lucien Bouchard! », Pierre Elliot Trudeau, La Presse samedi 3 février 1996

J'accuse Lucien Bouchard d'avoir trompé la population du Québec durant la campagne référendaire d'octobre dernier. En dénaturant l'histoire politique de sa province et de son pays, en semant la discorde entre les citoyens par son discours démagogique, en prêchant le mépris pour les Canadiens qui ne partagent pas ses opinions, Lucien Bouchard a outrepassé les bornes de l'honnête débat démocratique.

Pour réhabiliter la démocratie au Québec, il importe de rétablir la vérité : c'est ce que je ferai en examinant quelques-unes des déclarations que M. Bouchard a faites entre le 14 octobre et le 27 octobre 1995.
I - Les échecs et leur cause

L'affirmation de Lucien Bouchard :

«Depuis trente ans, il y a eu je ne sais combien de dizaines de négociations entre le Québec et le reste du Canada: dans tous les cas on a échoué... On a profité de notre faiblesse politique... » (Le 14 octobre 1995, Centre communautaire de Saint-Justin, Rosemont.)

Les faits:

En 1964, en 1971, comme en 1981, ce fut toujours le gouvernement du Québec qui fit échouer les négociations, en revenant sur sa parole donnée. Le cas de Meech, en 1990, est différent et j'y reviendrai plus loin.

1. En 1962, le premier ministre Jean Lesage - fortement secondé par son ministre René Lévesque - avait négocié et signé l'accord Fulton-Favreau pour rapatrier la Constitution canadienne.

En 1964, M. Lesage changea d'idée et répudia l'accord.

2. En 1971, le premier ministre Robert Bourassa avait négocié une entente constitutionnelle qui donnait un droit de veto au Québec, avec plusieurs autres avantages d'ordre linguistique et judiciaire. Le gouvernement canadien avait convaincu les premiers ministres des autres provinces d'accepter cet accord. Le moment venu de signer cette «Charte de Victoria», M. Bourassa annonça à ses collègues qu'il avait de nouvelles demandes à formuler et qu'il avait besoin d'un court délai pour des raisons tactiques.

Quelques jours plus tard, il annonçait qu'il ne voulait plus signer ce qu'il avait lui-même négocié et proposé.

3. Le 16 avril 1981, le premier ministre René Lévesque signa avec sept autres provinces un « Accord constitutionnel aux termes duquel il reconnaissait que le Québec était une province comme les autres et n'avait pas un droit de veto constitutionnel: «This amending formula ... recognizes the constitutional equality of each of Canada's provinces.» Le but de ce pacte était de forcer le gouvernement fédéral à reprendre les négociations en lui opposant un bloc solide de huit provinces.

Cette tactique constitua un obstacle quasi incontournable au rapatriement dès lors que la Cour Suprême du Canada déclarait en septembre 1981 que - selon les conventions - le gouvernement canadien ne pouvait pas rapatrier la Constitution sans «un degré appréciable de consentement provincial ».

La solidarité du groupe des Huit fut rompue le 4 novembre 1981, lorsque M. Lévesque, en pleine assemblée de négociations et sans prévenir ses collègues, accepta une proposition du premier ministre du Canada pour résoudre l'impasse constitutionnelle par un référendum. En reniant ainsi sa parole donnée à ses sept alliés, M. Lévesque les forçait à se regrouper pour recomposer le front commun sans lui.
II - Les revendications et leur effet

L'affirmation de Lucien Bouchard :

«Durant 30 ans, la raison profonde pour laquelle... on n'a jamais réussi à convaincre le Canada anglais (de concéder) la moindre revendication historique du Québec, ce n'est pas parce qu'on a envoyé des gens qui n'étaient pas des bons négociateurs - On avait les meilleurs. On avait René Lévesque». ( Le 18 octobre 1995, à Saint-Léonard.)

Les faits :

Examinons d'abord la question des revendications, ensuite celle des négociateurs.

1. Les revendications véritablement «historiques» des Canadiens français consistaient essentiellement en une chose: le respect du fait français au Canada, principalement en matière de langue dans les instances fédérales et d'éducation dans les provinces où les francophones étaient en minorité. Ainsi, les deux premières revendications du premier ministre Jean Lesage, énoncées début de la Révolution tranquille étaient: premièrement, la reprise immédiate des pourparlers sur le rapatriement et 1a formule d'amendement de la Constitution ; et deuxièmement, l'adoption dans la Constitution d'une charte des droits fondamentaux, incluant les droits linguistiques et éducationnels des minorités francophones hors Québec.

Or, n'en déplaise à M. Bouchard, la formule Fulton-Favreau satisfaisait à la première demande, et la Charte de Victoria satisfaisait à la première et partiellement à la seconde, tandis que l'Acte constitutionnel de 1982 satisfaisait pleinement aux deux demandes à la fois. Dans les trois cas, ce sont les gouvernements du Québec qui - en manquant à leur parole - ont abandonné ces revendications traditionnelles.

2. Parlons maintenant des négociateurs, dont «on avait les meilleurs», selon M. Bouchard. Comment expliquer, en particulier, que M. Lévesque - qui n'avait qu'à tenir bon quelques heures de plus pour tourner à son avantage l'énorme entreprise de révision constitutionnelle qui avait commencé en 1967 et qui devait se terminer le 4 novembre 1981 - comment expliquer que M. Lévesque, ce meilleur des négociateurs, ait trahi subitement l'Accord des Huit pour accepter mon offre d'une consultation du peuple par voie de référendum? On ne connaîtra sans doute jamais la réponse à cette question, mais je hasarde l'hypothèse suivante. Aurait-il craint que je capitule devant le front des Huit, et que pour réussir 1e rapatriement, j'accepte de me rallier à ce que les Huit proposaient ? M. Lévesque aurait alors été pris à son propre jeu, car en signant l'Accord des Huit il avait souscrit à une formule de rapatriement sans société distincte ni droit de veto pour le Québec.

Mais alors comment expliquer qu'il se dédise ensuite de ma proposition de référendum qu'il avait acceptée quelques heures plus tôt? Négociait-il de bonne foi, ou cherchait-il à faire échouer toute entreprise de coopération fédérale-provinciale destinée à résoudre le problème constitutionnel ?
III - La nuit des longs couteaux: une fabrication

L'affirmation de Lucien Bouchard:

«Alors qu'il y avait une alliance avec René Lévesque pour faire une entente qui avait du bon sens, ces sept provinces anglophones... l'ont laissé tomber, une seule, nuit.» ( Le 23 octobre 1995, Cégep de Limoilou. )

Notons d'abord que, quand M. Bouchard parle d'«une entente qui avait du bon sens», il ne sait pas ce qu'il dit. En effet, cette entente rejetait explicitement les notions de société distincte et de droit de veto, notions que par ailleurs M. Bouchard ne cesse de réclamer pour le Québec.

Les faits :

«La nuit » en question, c'est évidemment celle dite «des longs couteaux», appellation honteusement empruntée â l'histoire du nazisme par la gent séparatiste aux prises avec une paranoïa aiguë. Que s'est-il donc passé ?

Alors que René Lévesque avait trahi ses alliés du groupe des Huit en acceptant ma proposition d'un référendum, il perdit sa crédibilité auprès d'eux. Les sept premiers ministres anglophones se trouvèrent en désarroi et la séance constitutionnelle fut ajournée au lendemain, 5 novembre.

Mais il importe de souligner que ce ne sont pas les «sept provinces anglophones (qui) ont laissé tomber» M. Lévesque, comme l'affirme M. Bouchard. C'est M. Lévesque qui a trahi ses sept alliés. Le couteau, c'est M. Lévesque qui l'a plongé dans le coeur de l'Accord des Huit qu'il avait pourtant signé moins de sept mois plus tôt.

Et quand M. Bouchard affirme dans son discours à la nation, le 25 octobre, que les «supposés alliés (de Lévesque)... allèrent la nuit trouver Jean Chrétien dans un hôtel d'Ottawa», il colporte tout simplement une fausseté historique.

Les journaux de l'époque firent rapport des événements comme suit :
Dès l'ajournement de la séance, vers midi le 4 novembre, M. Lévesque déclarait : «Ça (... la proposition Trudeau) nous parait une façon respectable et extraordinairement intéressante de sortir de cet imbroglio». Son ministre, Claude Charron, renchérissait : «C'est la solution idéale pour nous». Le Devoir rapportait que « ce moment-là, la délégation québécoise jubilait et, au risque de déplaire à ses partenaires du Front Commun, n'hésitait pas un instant à monter dans le train proposé par Ottawa». (Le Devoir, le 5 novembre 1981)

Le «risque de déplaire à ses partenaires» n'était pas imaginaire. La délégation québécoise finit par s'en apercevoir dans l'après-midi du 4 novembre, ce qui amena René Lévesque à répudier ma proposition de référendum, sans autre explication que de dire que c'était du «chinois». Le journaliste du Devoir, Michel Vastel, écrivit: «En fin de journée, le torchon brûlait entre Lévesque et ses anciens alliés». Et Vastel ajouta que, plus tard, alors que chacun soupçonnait que des ententes se discutaient, «un haut fonctionnaire québécois devant qui on s'étonnait qu'il ne tente pas une dernière tentative de tenir les provinces ensemble, répondait désabusé : «Nous n'avons plus aucune crédibilité après ce qui s'est passé ce matin.» (Le Devoir, le 6 novembre 1981.)

Pour plus de détails sur les commentaires de presse, voir Max Nemni, «Le Désaccord du Lac Meech», dans Le Québec et la Restructuration du Canada, pp. 177-179, et William Johnson, A Canadian Myth, pp. 180-183.
IV - La langue, l'éducation et le veto

L'affirmation de Lucien Bouchard:

La Constitution de 1982 «a réduit les pouvoirs du Québec dans le domaine de la langue et de l'éducation... René Lévesque l'a refusée. Claude Ryan l'a refusée. L'Assemblée nationale du Québec l'a refusée». (Le 25 octobre 1995, 19hOO, télévision de Radio-Canada.)

Les faits :

1. Dans le domaine de la langue et de l'éducation, la Constitution de 1982 consacrait précisément «les demandes traditionnelles du Québec». Voici d'ailleurs ce que Claude Ryan en disait, le lendemain de la déclaration susdite de Lucien Bouchard : «La loi (constitutionnelle) de 82 qu'a fait adopter M. Trudeau, ce n'est pas du tout l'épouvantail qu'on prétend. C'est une loi très raisonnable qui a donné une Charte des droits à tous les Canadiens, les Québécois comme les autres, qui a renforcé la protection des droits linguistiques des francophones à travers tout le Canada. Et ailleurs: «J'entendais M. Bouchard dire, hier soir, que (la Constitution de 1982) avait enlevé au Québec des droits importants en matière de langue et d'éducation. A mon humble point de vue, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai.» Tout en désapprouvant «qu'on adopte cette loi sans que le Québec soit un des signataires», Claude Ryan reconnaît que «objectivement, les changements qu'a apportés la loi de 82, sauf la formule d'amendement, étaient de très bons changements». (Le 26 octobre 1995, entrevue avec Bernard Derome, Radio-Canada et Château Frontenac, RDI.)

2. Moi-même, je partageais les réserves de M. Ryan à propos de la formule d'amendement. Mais on se souviendra que la formule retenue par la Constitution de 1982 était basée sur la formule mise de l'avant par M. Lévesque et les sept provinces anglophones qui formaient le groupe des Huit. Cette formule n'accordait pas un veto au Québec, alors que la formule d'amendement proposée par mon gouvernement en incluait un.

Ainsi, le 2 décembre 1981, Le Devoir publiait ma réponse à une lettre du premier ministre Lévesque datée du 25 novembre 1981 et qui invoquait un droit de veto québécois. Je répondais en partie: «Entre l'année 1971 et le 5 novembre 1981, tous les gouvernements que j'ai dirigés ont préconisé une formule d'amendement qui aurait assuré un veto au Québec. Nous n'avons abandonné ce principe qu'après que vous l'aviez fait vous-même» en signant l'Accord des Huit, et après «que vous aviez de nouveau préconisé (cet accord) au cours de nos séances des 2, 3, 4 et 5 novembre.

3. Par ailleurs, à défaut de veto, l'Accord des Huit accordait aux provinces un droit de retrait qui a été consigné dans la loi constitutionnelle de 1982 à l'article 38(3). Ce droit permet à chaque province de refuser tout changement constitutionnel qui diminuerait sa «Compétence législative» ou ses «droits et privilèges».

M. Bouchard révèle donc son ignorance de la constitution de 1982 quand il accuse le gouvernement Chrétien de «vouloir perpétuer par un NON la situation actuelle qui met entre les mains de l'appareil fédéral et des provinces anglophones un droit de veto total, même le pouvoir d'imposer n'importe quoi qu'il pourrait souhaiter au Québec». (Le 17 octobre 1995, 19h25, à l'Hôtel Westin à Montréal.)

Des sottises de ce genre, et il y en avait beaucoup, relèvent plutôt de l'hallucination que de la science politique.
V - Le rapatriement de 1982

L'affirmation de Lucien Bouchard:

«On a rapatrié la Constitution en 1982 contre notre volonté... parce que les intérêts du Canada anglais étaient tels qu'il fallait qu'ils fassent cela.» (Le 27 octobre 1995, 19h3O, télévision de Radio-Canada.)

Les faits:

M. Bouchard interprète singulièrement notre histoire constitutionnelle! Ne sont-ce pas plutôt les Canadiens français qui, traditionnellement, voulaient relâcher les liens coloniaux avec la Grande-Bretagne en rapatriant de Londres la Constitution canadienne ? Mais pour ce qui est des « intérêts », les provinces anglophones avaient généralement les mêmes que le Québec: troquer leur consentement au rapatriement contre une augmentation des pouvoirs provinciaux.

Depuis 1927, tous les gouvernements canadiens avaient tenté en vain de convaincre les provinces de mettre fin à ce vestige de colonialisme, depuis celui de Mackenzie-King en passant par ceux de Bennett, Saint-Laurent, Diefenbaker et Pearson. Tous avaient échoué et le Canada était le seul pays au monde qui possédât pour constitution une loi située dans un autre pays et, pour l'essentiel, amendable seulement par celui-ci. Or, en 1982, nous sortions d'une très longue période de discussions constitutionnelles inaugurée par les provinces en 1967. Les citoyens en avaient assez et il fallait en finir - cent quinze ans après sa fondation comme pays, le Canada dépendait toujours de Londres pour amender sa Constitution. Le Canada pouvait-il accepter encore une fois l'échec, alors que la seule opposition venait d'un gouvernement décidé à détruire le Canada? Devions-nous nous arrêter devant un adversaire qui demandait la souveraineté pour sa province mais qui ne la permettrait pas pour notre pays ?

La Cour Suprême (à qui trois provinces dont le Québec avaient demandé de définir la règle du jeu constitutionnel) statua que le rapatriement ne pouvait se faire qu'avec un «degré appréciable de consentement provincial»; or cette exigence était largement satisfaite (9 provinces sur 10).

Le premier ministre de la province de Québec était opposé au rapatriement mais en vertu de la règle du jeu sus-dite il n'avait pas de veto; d'ailleurs il y avait explicitement renoncé en signant l'Accord des Huit. De toute évidence, son gouvernement ne voulait rien savoir de ce qui aurait pu être à l'avantage de la Fédération canadienne.

Par ailleurs, 70 des 75 députés élus au Parlement fédéral par le Québec avaient voté en faveur du rapatriement, tandis qu'à l'Assemblée nationale 38 députés (M. Ryan en tête) sur 108 avaient voté -- le ler décembre 1981 -- contre une résolution qui à toutes fins pratiques, claquait la porte aux efforts en cours pour chercher des compromis. Ainsi, moins de 40 pour 100 des députés élus au fédéral et au provincial par les citoyens du Québec s'opposaient irréductiblement à l'entente constitutionnelle. On peut certes contester cette analyse arithmétique en prétendant que seul le gouvernement du Québec peut parler pour les Québécois. Mais cette prétention constitue l'essence même du séparatisme. Si l'on croit au Canada, on croit également que, sur la question constitutionnelle, les députés québécois au Parlement canadien représentaient l'électorat du Québec tout autant que les députés de l'Assemblée nationale.

Du reste, les sondages ont démontré que le rapatriement n'était pas répudié par la volonté populaire. En mars 1982, un sondage CROP indiquait que 48 pour 100 de la population québécoise blâmait le gouvernement Lévesque pour son refus de signer l'accord, alors que seulement 32 pour 100 approuvait son attitude. Et en juin 1982, selon Gallup, 49 pour 100 des Québécois considéraient la loi constitutionnelle comme une bonne chose et 16 pour 100 seulement en désapprouvaient la teneur.
VI - Qui a dit non à Meech

L'affirmation de Lucien Bouchard:

«Ils (le Canada anglais) ont repoussé la main du Québec en 1990... Il n'y a personne qui est venu faire de manifestation à Montréal pour nous dire: «On vous aime.» Ils ont tout simplement dit non à Meech.» (Le 27 octobre 1995, 19h3O, télévision de Radio-Canada)

Les faits:

Les séparatistes auraient évidemment préféré que quelques hurluberlus anglophones eussent piétiné le drapeau québécois l'avant-veille du référendum. Mais c'est pour le moins manquer d'élégance que de se moquer des dizaines de milliers de personnes qui ont afflué des autres provinces, le 27 octobre 1995, pour témoigner leur sympathie envers le Québec. Et de fait, qui avait dit non à Meech ?

1. Le 3 juin 1987, le gouvernement canadien et les neuf provinces anglophones ont dit OUI à Meech et ont signé l'accord qui portait ce nom.

A travers le Canada, la presse anglophone y était généralement favorable et, au Québec, la presse anglophone et Alliance Québec, porte-parole des Québécois anglophones, ont, dès le début, dit OUI à Meech.

2. Au Québec, les leaders d'opinion francophones disaient généralement NON à Meech. Devant la Commission parlementaire créée par le gouvernement Bourassa, en avril 1987, seulement 18 pour 100 des experts étaient en faveur de Meech et 70 pour 100 étaient contre. Quant aux associations et groupes, 19 pour 100 étaient en faveur de Meech et 81 pour 100 étaient contre. Or tous ces «contre», qui disaient NON à Meech comprenaient les organisations essentiellement francophones, tels que les trois grandes centrales syndicales du Québec (CSN, FTQ, CEQ), l'Alliance des professeurs de Montréal, l'Union des écrivains, l'Union des artistes, l'Union des producteurs agricoles. (Voir Nemni. op. cit.)

3. Quant aux classes politiques du Québec, le Parti québécois et le NPD se prononcèrent fermement contre l'Accord du Lac Meech. Mais, ô surprise !, le premier ministre Bourassa - tout en soutenant qu'il devait signer l'Accord -- tenait néanmoins à exprimer des réserves. En effet, dès le 12 mai 1987, avant même l'adoption de l'Accord, il déclarait à l'Assemblée nationale que son gouvernement venait «de faire un autre pas en avant vers la solution temporaire du problème constitutionnel... Il y aurait d'autres demandes et d'autres discussions par la suite, ou une deuxième ronde ou d'autres rondes de réforme constitutionnelle». Le 18 juin 1987, M. Bourassa jugeait utile de parler à l'Assemblée nationale «du droit à l'autodétermination du Québec» et de rappeler que cela fait partie du programme constitutionnel du Parti libéral. Enfin, le 23 juin 1987, il concluait le débat à l'Assemblée nationale en disant: «Le chef de l'Opposition (M. P.-M. Johnson) se réfère constamment aux sujets qui n'ont pas encore été complètement réglés sur le plan constitutionnel: oublie-t-il qu'il y a une deuxième ronde?»

4. M. Bourassa, lui, ne l'oubliait pas: en février 1990, soit plus de quatre mois avant l'expiration du délai pour la ratification finale de Meech, son parti adoptait la résolution «de mettre sur pied un comité constitutionnel (le Comité Allaire) chargé de la préparation du contenu politique de la deuxième ronde de négociations devant débuter après la ratification de l'Accord». On y ajoutait cependant une petite menace : le comité devait aussi préparer des scénarios «afin de parer à l'éventualité d'un échec de l'Accord du lac Meech».

Ainsi donc, M. Bourassa ressortait sa tactique de 1971 à Victoria: négocier un accord, mais avant même qu'il soit ratifié, annoncer que cet accord ne satisfaisait pas le Québec et que de nouvelles demandes allaient suivre. (Il ferait encore de même pour l'Accord de Charlottetown, en 1992, lorsqu'il compara le référendum à une loterie.)

5. On aurait pu croire que de telles actions auraient désillusionné les braves gens qui pensaient que l'acceptation de Meech allait satisfaire le Québec et apporter la paix constitutionnelle au pays. Mais non! Chose étonnante, le 23 juin 1990, après tant de déclarations vexatoires et de positions équivoques de la part du Québec, y compris l'utilisation du «nonobstant» pour empêcher l'affichage en langue anglaise, sept provinces anglophones et le gouvernement canadien appuyaient toujours Meech, tandis que les deux autres législatures provinciales n'avaient pas pu prendre de position définitive, à cause de l'hésitation d'un premier ministre provincial et de l'opposition d'un député amérindien.

Comment peut-on sérieusement conclure, comme Lucien Bouchard le fait, que c'est le «Canada anglais» qui a «repoussé la main du Québec en 1990» et qui a «tout simplement dit non à Meech»?

J'accuse Lucien Bouchard

Appelant des faussetés et des contrevérités au soutien d'une démagogie hargneuse, Lucien Bouchard a trompé l'électorat lors du référendum d'octobre dernier. Il a par ce fait même souillé la bonne réputation démocratique de la province du Québec, et ne mérite pas la confiance des honnêtes citoyens de sa province.

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