Sunday, October 24, 2010

L'insoutenable légèreté d'être (soi disant) laïciste

Il m'amuse et il me désole de lire et d'écouter l'incohérence des soi disant laïcistes (SDL). Je ne parle pas içi des exceptions faites pour la ou les religions pour lesquelles les SDL font preuve de suffisament de grandeur d'esprit pour en excuser les traces et les influences perpetuelles, sous prétexte qu'elles font partie du patrimoine culturel - ce qui tombe bien, puisque à l'étonnement de tous, ce sont les mêmes religions auxquelles les parents et les grands parents des SDL adhéraient, autrefois, et les SDL eux-mêmes, pendant la grande noirceur de leur jeunesse... Plusieurs ont déjà pris le soin de relever cette charmante incohérence et d'en rire, gentiment, puisqu'elle est le fruit des instincts les plus louables, les plus compréhensibles, soient, implicitement, l'amour, le respect et la vénération de ses parents et de ses ancêtres. (Si seulement, hypothétiquement, il y avait toujours des institutions qui avaient pour mission d'inculquer de telles valeurs, hein? Ces institutions imaginaires, dont j'invente l'hypothèse comme ça, à l'instant, tiendraient des réunions pour y parvenir, peut-être, qui sait, la fin de semaine, quand le monde dispose de quelques heures libérées des exigences du travail dans une société capitaliste. Étant donné le besoin de garder le samedi matin pour se remettre du party du vendredi soir, et comme le samedi soir est réservé au Canadien, et le dimanche après midi aux achats, humm, ces institutions imaginaires pourraient peut-être tenir leurs séances pour inculquer la morale le dimanche matin, dans mon hypothèse farfelu.)

Non, l'incohérence tragicomique qui m'intrigue, et dont je n'ai toujours vu la moindre mention (à moins que je suis devenu aussi aveugle et sourd que sont les SDL face à la réalité multiculturelle productive qui les entoure), c'est la contradiction philosophique entre le SDL typique, nationaliste, qui, d'un côté, se dit favorable à ce que l'État québécois soit tout sauf neutre en ce qui concerne la liberté d'expression, mais qui, de l'autre côté, voudrait que ce même État soit d'une soi-disante neutralité parfaite quant à la liberté religieuse. Nous savons tous que cette soi-disante neutralité est illusoire, étant en fait l'expression d'un intégrisme laïc, voire athée, non a-religieux, tel que prétendu, mais bien anti-religieux, et que cet extrémisme anti-libéral, anti-humaniste (puisque c'est bien de ça qu'il s'agit, si les valeurs libérales et humanistes des Lumières, telles que conçues, ont un sens) puise surtout dans le gouffre du nihilisme qui aurait attiré tant d'âmes en haine de soi depuis que tant de Français, et dans une moindre mesure, de Québécois, ont soutenu une philosophie fasciste inhumaine pendant les années 1930 et 1940, et que d'autres (ou les mêmes) se sont par la suite tournés vers l'inhumanité communiste, ou vers un catholicisme totalitaire. Ce n'est pas parce que certains n'arrivent pas à composer avec leurs histoires personnelles, familiales, et sociales que tous doivent en payer le prix par le biais d'une répression incohérente, irréaliste et sotte des libertés les plus fondamentales, telles que conçues par les Lumières.

Mais voilà, les mêmes bouffons qui sont les plus enthousiastes à ce que l'État fasse preuve d'un parti pris pour avantager une langue et désavantager une ou plusieurs autre(s), en ce qui concerne la plus fondamentale des libertés pour les Lumières, la liberté d'expression, se retournent, et, sans l'once d'embarras pour leur incohérence, déclarent que l'État doit demeurer strictement « neutre » quant à la liberté de religion, une fausse neutralité, dont on a pris note plus haut, qui cache en fait une position anti-religieuse, ce qui, par définition, contredit le concept même de la liberté de religion : quelle liberté n'existe qu'en son absence? Si on appliquait cette logique à la liberté d'expression, je serai libre, dans ma tête, de sacrer dans un lieu dit « civique » ou « publique », mais je n'aurai pas, en fait, le droit de prononcer, à haute voix, la moindre « calice ». D'ailleurs, Orwell aurait que trop bien reconnu la perversion de la langue par les SDL, conséquence de leur perversion de la philosophie, eux qui tentent de pervertir les termes « neutre », « civique » et « publique » de manière à structurer le débat pour avantager leurs ignobles fins, afin de faire passer une perversion du concept de « laïcité », non seulement étrangère à la société québécoise, mais contraire aussi à son application en France pendant les IIIe, IVe, et Ve républiques, jusqu'au début du 3e millénaire, en fait (lisez les décisions du Conseil d'État français de 1989 et de 1992, qui respectaient l'interprétation traditionnelle, fondée sur une conception de laïcité comme politique de liberté négative et non comme l'imposition d'une liberté positive, en termes philosophiques). Quelle liberté de religion, quelle liberté d'expression de surcroît, si on n'est pas permis d'afficher le moindre symbole de ses convictions les plus profondes dans ces espaces dits « civiques » et « publiques », définis le plus largement possibles par les SDL? Les mêmes SDL qui admettent que leur visée réelle, à long-terme, est d'éliminer toute trace de la religion, partout, éventuellement, mais qu'ils doivent procéder par la méthode Harper, en incrémentalistes, pour l'instant, puisque la logique et les sens de liberté, de justice, et de fair play demeurent oujours trop bien implantés chez trop de gens pour que les SDL puissent accéder á leur fin au court-terme.

Cette semaine on a vu la plupart des SDL en train de critiquer le gouvernement Charest puisque l'État n'avait pas, à leurs yeux, suffisament pris partie pour restreindre une liberté, la liberté de choisir son école, et sa langue principale d'instruction. Quand il est question de la langue, de la liberté d'action, de la liberté d'expression, les SDL sont résolument opposés au principe de la neutralité de l'État. L'État doit être tout sauf neutre, selon eux, quand il est question de la liberté du commercant d'apposer des affiches sur et dans SON PROPRE magasin, tout sauf neutre quant à la langue d'expression dans les commerces PRIVÉS, tout sauf neutre en tout ce qui touche la liberté d'expression et la/les langue(s), et ces exemples concernent uniquement la non-neutralité de l'État dans « l'espace privé », on ne parle même pas des «espaces civiques et publiques ». Voilà jusqu'où les SDL sont rendus quant à leur soi-disant neutralité étatique quand il est question de la langue et de la liberté d'expression. Or, quand il est question de cette soi-disante neutralité de l'État et de la religion, tout d'un coup, ô la la, que les SDL se font des soucis pour prévenir la moindre confusion quant à la neutralité de l'État, au point qu'il faudrait interdire le port du moindre symbole religieux, non seulement dans les espaces qui relèvent clairement de l'autorité de l'État, mais même dans ces espaces dits « civiques », soit, pour traduire, « partout où l'on pourra la moindrement justifier pour satisfaire nos préjugés anti-musulman, anti-juif, anti-catholique et anti-religieux tout court ».

Un État neutre, ce n'est pas un État qui limite la liberté d'expression des commercants dans « l'espace privé ». Personnellement, j'approuve un certain parti pris de la part de l'État pour assurer la santé de la langue française, étant donné le cas particulier des francophones en Amérique du Nord, quoique, en bon libéral, cette implication, extraordinaire en soi, doit être aussi minimale possible, la moins coercitive possible pour égaliser les chances : la survie et l'épanouissement de la langue française, et de la culture canadienne française dont elle est porteuse, dépendra toujours de la volonté personnelle, individuelle, des francophones de la maîtriser, de l'estimer, de la partager et de la donner en héritage à leurs enfants. Nul ne peut obliger chaque ménage francophone de faire ce qu'il doit dans l'intimité de la famille, ni aucune loi. Et du point de vue de la législation, surtout coercitive, il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut outrepasser sans que l'on reconnaisse que l'on a trahi nos soi disant principes libéraux les plus fondamentaux au point que notre qualité de vie soit impossible, et que la vie n'a plus son sens, dans une société aussi répressive. On n'est pas là, mais il faut toujours s'en souvenir. « Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme? » Jusqu'où serions-nous prêts à réprimer d'autres pour notre propre « bien »?

Si l'État n'est pas neutre, et qu'il tente de concilier liberté individuelle avec besoin collectif, tant bien que mal, et que l'individu est la source de toute légitimité, en démocratie libérale, et il faut donc employer le moins de coercition possible pour atteindre les buts collectifs (et en tant que social-démocrate, je me permets d'introduire l'analyse marxiste ou économiste dans l'évaluation de cette question, donc d'admettre des politiques publiques légèrement plus coercitives qu'un libéral classique), et qu'il est donc hypocrite et incohérent d'appeler pour un État faussement « neutre » quand il est question de certains droits fondamentaux, mais pas quand il est question d'autres droits fondamentaux, qu'est-ce qu'on doit conclure?

Évidemment, les SDL, qu'ils s'en rendent compte ou pas, sont ou des esprits fermés, qui veulent que leur vision très renfermée et particulière de la société soit victorieuse, aussi incohérente soit-elle (puisque le vrai but, pour eux, dans leurs têtes, au delà de toute prétention aux grands principes, c'est que ce soit leur gang qui « gagne », c.à.d., les blancs francophones athées), ou ils sont de vrais jacobins modernes, avec tous les dangers et misères potentiels que accompagne les esprits jacobins partout, vu l'absurdité, pour le bien réel des êtres humains, de suivre bêtement sa logique de A à Z, coûte que coûte, comme on l'a vu avec les Jacobins, les communistes, les fascistes, les intégristes capitalistes, les intégristes religieux, etc.. Les SDL sont donc ou de mauvaise foi, ou des imbéciles extrémistes qui menacent les remarquables paix et cohésion sociales que nous connaissons au Québec et au Canada tout entier, conséquences des nos sages politiques de l'interculturalisme et du multiculturalisme, dont les fruits nous font l'envie du monde entier.

Je soupçonne que les SDL sont de mauvaise foi pour la plupart, mais qu'ils ne le savent pas eux-mêmes, souffrant d'un cas classique du « double-think », comme on l'a vu. Ils sont insécurisés pour toutes sortes de raisons assez évidentes, et se tournent vers l'exemple français pour se donner un argument moyennement respectable, pour les ignorants. Car ceux d'entre nous qui connaissent bien le modèle républicain français, reconnaissent également ses échecs lamentables en matières d'intégration, de cohésion sociale, de politique, d'économie, et d'une société entière. La preuve du triste échec général de la France, en termes relatives, n'est plus à faire, comme les évènements récents nous le rappellent, encore une fois. Des banlieues en flammes à cause d'une culture structurellement raciste et xénophobe, précisément à cause d'un républicanisme dont l'idéalisme bien intentionné est d'une sottise irréaliste, aux bourgeois et classes moyennes enflammés contre la moindre réforme pour sauver les meubles pour les prochaines générations, là encore une conséquence d'un sens de droits républicains sans égard aux besoins plus larges de toute une société, entité organique, où l'on doit tenir compte de ce qu'on doit aussi bien, sinon plus, que ce qui nous est dû, les crises se succèdent dans cette triste société bloquée, dont l'histoire a toujours été celle de l'idéalisme le plus admirable mais dévastateur, dont les blocages successifs ne peuvent se résoudre qu'à partir de déblocages révolutionnaires sanglants et contre-productifs pour la très grande majorité, en termes des vies, de la santé et du bien-être matériel. Or, le modèle républicain français, avec sa soi-disante laïcité, quoiqu'un échec total dans sa terre natale, est prisé par les petits esprits colonisés québécois, les SDL, qui ne font pas suffisament confiance au modèle québéco-canadien qui, pourtant, se porte assez bien v.-à-v. la France et tous, pas vrai?

Quant aux mesures à prendre, dans le réel, dans l'absolu, nous disposons déjà d'un cadre légal amplement suffisant pour répondre à tout problème, toute crainte fondée, en ce qui concerne l'intégration. Cependant, au Québec, vu l'hystérie que certains se plaisent à enflammer à l'occasion, je maintiens mon jugement : Loi 94 et Charest : bien fait, dans les circonstances / Well Done, All Things Considered. Comme l'a affirmé Yves Boisvert au sujet d'une autre question de droits fondamentaux, chère aux journalistes, et dont la conclusion libérale semble partagée par la plupart d'entre eux : « C'est plutôt une approche pragmatique, au cas par cas, mais avec des principes bien assis que la Cour a réaffirmée. Tant mieux. »

Je conclus en rappelant le besoin d'agir de bonne foi et de bonne volonté. J'ai feuilleté le Devoir de samedi et je fus frappé par l'excès de mesquinerie, même selon les standards du journalisme, du journalisme québécois, et du Devoir, qui est souvent le pire dans ce domaine, il est vrai (plus on se sent petit, plus on est frustré, plus on est amer, déchaîné, et mesquin?) Il est quand même rare de lire une critique aussi vicieuse, mesquine et injuste d'un bouquin d'un chroniqueur d'un autre journal, encore moins qu'on lui surnomme, dans un texte français, un « columnist ». C'est pas net, ça. J'imagine mal Lysiane Gagnon faisant preuve de si peu de grâce si les rôles étaient inversés. Il me semble qu'on ferait mieux de lire et de réfléchir à la chronique de Stéphane Laporte, qui fut pour moi une antidote à tout le poison dans les médias récemment, m'a fait sourire, et m'a un peu inspiré. Il a tout à fait raison : Montrez les saints! Que l'on s'en souvienne.

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