Lorsque la polémique sur la déclaration de Tierney faisait rage, j'ai observé une incohérence assez flagrante chez ses critiques que personne ne semble avoir répertorié. Cette incohérence, et le fait que tous en étaient inconscients, me semble en dire long sur les effets néfastes du nationalisme comme grille d'analyse, qui s'impose tranquillement, inconsciemment, finalement, comme un instinct, plus qu'un vecteur de compréhension intellectuelle. Je m'attendais à ce que d'autres en fassent mention, mais puisque ce n'est toujours pas produit, je vous en fait part.
Donc, si vous relisez les critiques dans les médias, quel que soit les sources, la Presse comme le Devoir, fédéralistes comme indépendantistes, vous retrouverez deux thèmes contradictoires reproduits dans chaque texte, sans que les auteurs s'en rendent compte. La première remarque fut de dire que c'est normal que la culture d'une société soit son miroir, et que tout naturellement, il y aurait une place prépondérante réservée au groupe majoritaire, et même, dans une ordre plus grande que sa part démographique la mériterait, en termes strictement mathématiques. Ce phénomène, tout à fait naturel ou normal, selon les auteurs, serait encore plus présent au Québec, tout naturellement et normalement, en vertu du statut minoritaire des francophones au Canada et en Amérique du Nord.
Mais dans un deuxième temps, dans chaque critique, les mêmes auteurs insistent pour dire que le Québec, c.-à-d. les Québécois, plus exactement, selon G. Bouchard et moi, les Canadiens français, sont d'une remarquable ouverture aux autres, qu'ils sont tellement chaleureux et accueillants, que toute accusation de renfermement ou de xénophobie serait sans fondement. D'ailleurs tel ou tel non-franco et/ou non-blanc aurait paru dans ceci ou cela, aurait chanté/écrit/etc. ceci ou cela, et ces exemples démontreraient à quel point toute accusation de fermeture ou de xénophobie serait fausse (il est sous-entendu que le statut minoritaire des francos/Canadiens français n'aurait donc aucun effet sur leur perception de l'Autre, ou que l'effet serait positif au lieu d'être négatif, ce qui me paraît invraisemblable à la lumière de l'histoire, des faits et de l'empire de l'idéologie nationaliste, mais passons).
Ainsi, chers lecteurs, vous aurez deviné déjà, sans doute, la contradiction interne de ces argumentaires, qui semble avoir échappé à leurs auteurs, soit, si on dit que le Québec et les francophones vivent une situation particulière en tant que minorité, et que l'effet de leur situation minoritaire historique renforcerait, tout naturellement, au Québec, la tendance normale du groupe majoritaire d'être sur-représenté dans la production culturelle, il est donc impossible de prétendre que les Canadiens français sont autant, sinon plus, ouverts à l'Autre et aux efforts artistiques de l'Autre, que quiconque. De deux choses l'une : ou bien les Canadiens français du Québec, en raison de leur statut particulier de minorité, sont plus portés à se privilégier dans la représentation artistique que les composantes démographiques majoritaires dans d'autres sociétés, ou bien les Canadiens français sont autant sinon plus ouverts aux Autres que quiconque. Mais on ne peut soutenir les deux thèses en même temps, comme ce fut le cas des critiques de Tierney. Ou on est plus fermé, plus nombriliste, que d'autres, pour des raisons tout à fait compréhensibles (quoique peu glorieuses), ou on ne l'est pas, et ceteris paribus, nous figurons parmi les champions de l'ouverture.
Les deux arguments sont respectables, mais on ne peut les soutenir en même temps, ils sont contradictoires!
Or, ce qui m'a intrigué c'est que personne n'a relevé cette incohérence. Nous, les individus, sommes comme des poissons, nageant dans l'eau, soit, la société, et nous ne nous rendons pas compte des effets nocifs sur notre capacité d'analyse que cette eau soit teintée du bleu foncé du nationalisme. La perspective nationaliste nous est tellement acquise, tellement normale, naturelle, etc., que nos commentateurs, nos médias, supposés être nos chiens de garde, de faire preuve d'un esprit critique hors pair, laissent passer et reproduisent des énormités incohérentes. Non seulement ils n'aboient pas, ils ne grognent non plus. Ou bien nos soi disant chiens de garde dorment, ou bien il suffit de leur gratter le ventre et leur répéter quelques mots doux << qu'on est bien, oui oui, qu'on est bien >>, pour qu'ils permettent aux criminels de l'incohérence et de l'irrationalité nous voler tous nos biens les plus précieux, soit, nos têtes et nos âmes, dans le silence le plus complet.
En résumé, on peut conclure en disant que l'incohérence des critiques de Tierney, et encore davantage, le fait que personne n'en a remarqué cette incohérence, représente un exemple flagrant de la subversion des capacités critiques qui se produit dans toute société nationaliste ; nationaliste au point de l'inconscience complaisante.
The Tierney Affair and Tierney's (nationalist) critics: the case of the guard dogs that didn't bark.
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